Dès 1996, une première association de résidents d’un immeuble de l’esplanade Charles de Gaulle (résidence André Lhote) se constitue pour obliger la mairie à écouter les résidents et obtenir qu’un minimum d’entretien du quartier soit entrepris, et notamment, à cette époque, que l’éclairage de l’esplanade soit correctement assuré.
En 2005, le quartier moderne de Mériadeck demeure à l’abandon depuis plus de 15 ans : le parc n’est pas nettoyé, l’éclairage public demeure aléatoire et les arbustes qui ont poussé sans entretien entre les arbres permettent à des populations désœuvrées de s’y abriter et d’y pratiquer des commerces illicites. Le sentiment d’insécurité se développe et le prix du mètre carré des logements y demeure anormalement bas compte tenu de son emplacement exceptionnel en plein cœur du centre-ville. Il apparaît clairement que l’image du quartier est extrêmement négative dans les mentalités bordelaises, milieux bourgeois, architectes, historiens ou politiques. Cette situation donne de mauvaises idées aux urbanistes, en particulier ceux de la Ville, idées immédiatement adoptées par les politiques : Mériadeck est une erreur, un « ratage urbanistique » selon les documents publiés en 2007 par le Service de l’Urbanisme de la Ville ; ceci vient justifier une étude conduisant à la totale restructuration de l’ensemble, démolition des passerelles et de la dalle, densification des constructions et disparition quasi-totale des espaces végétalisés. Le but avoué est « de redonner à Mériadeck un paysage de rues ». La tentation immobilière est grande car le quartier est à moins de 200 mètres du Palais Rohan et la totalité des espaces pouvant devenir constructibles appartient à la Métropole (ex-Communauté Urbaine de Bordeaux) ou à la Ville. De plus, le maire de Bordeaux, qui est aussi président de la Métropole, n’affiche pas d’intérêt pour l’architecture. Le terrain ne coûterait donc rien dans une opération immobilière très rentable et à laquelle personne ne s’opposera, compte tenu de la détestation générale pour ce quartier. C’est l’agence Flint qui, après un appel d’offre et un concours, est choisie pour son projet de modernisation du quartier. Aucun de ses projets ne sera retenu.
Devant l’entêtement des politiques et la détermination des urbanistes, quelques résidents du quartier décident de contrer le projet et commencent à se regrouper.
En 2007, la troisième tentative de la Ville pour être inscrite au patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO est couronnée de succès et Bordeaux fête l’évènement. Mais ce n’est qu’avec un nouvel argumentaire que la Ville a été retenue : Bordeaux est représentative, à travers ses quartiers construits successivement, des divers mouvements architecturaux qui se sont exprimés au cours des XVIIIème, XIXème et XXème siècles et qui sont restés intacts comme par exemple les façades des quais, forles quartiers historiques, les échoppes et pour finir les quartiers modernes, le Grand Parc et Mériadeck. Les experts de l’ICOMOS (International Council for Monuments and sites, organisme créé pour épauler l’UNESCO) venus visiter la ville en vue de son classement ont d’ailleurs insisté sur la qualité architecturale de Mériadeck pour que le quartier soit inclus dans le périmètre classé.
En 2010, le projet de cité municipale est présenté et voté en conseil municipal : un immeuble du quartier doit être détruit et le parc de 56 arbres servant d’accès à la dalle depuis le cours d’Albret rasé.
L’association décide alors de faire reconnaître l’importance du quartier par des groupes de soutien à l’architecture moderne. DoCoMoMo France (DOcumentation et COnservation des bâtiments du MOuvement MOderne) est alors contacté. Un dossier est envoyé à Paris et ce groupement d’architectes qui travaillent à la protection et à la valorisation de l’urbanisme du XX° siècle, découvre alors le quartier. Une délégation se rend à Bordeaux en 2012 pour le visiter. A leur demande, l’association Sauvegarder Mériadeck étoffe le dossier et DoCoMoMo France le présente au classement international des monuments modernes en 2015. C’est la première fois que DoCoMoMo International enregistre dans ses monuments modernes d’exception un ensemble aussi important.
En 2011, l’Association Sauvegarder Mériadeck est créée et les statuts sont déposés le 5 Février. Sa création fait suite à un travail minutieux de démarchage auprès des représentants de chaque immeuble de la dalle de Mériadeck. Sur 45 bâtiments, seuls 8 sont des immeubles de logements. Chaque copropriété a déjà un embryon d’organisation du fait de l’existence d’un conseil syndical. Pourtant certains iront plus loin en constituant une association propre à leur résidence. L’association Sauvegarder Mériadeck est constituée des représentants de chacune de ces résidences. Aucun des occupants des autres bâtiments n’a répondu positivement aux Invitations de se joindre à elle (Métropole, Conseil Départemental, Région, Compagnies d’assurances, centre commercial, etc.).
Sauvegarder Mériadeck a pour objet :
– de veiller à la sauvegarde et à la protection du quartier Mériadeck à Bordeaux,
– de préserver l’intégrité du site,
– d’empêcher toute atteinte à son homogénéité architecturale et paysagère.
En Juin 2011, devant la détermination de la Ville et les échecs des recours devant les tribunaux, l’association décide d’alerter l’UNESCO sur les projets de la Ville. Un dossier est envoyé.
En septembre 2012, les experts de l’UNESCO informent l’association de leur intérêt pour ce dossier et avertissent le maire de leur visite pour le mois de Mai.
A leur arrivée, le 6 Mai, le premier immeuble, la Croix du Mail et son parc sont pratiquement détruits. Le deuxième projet, la restructuration de l’immeuble Croix du Palais, n’en est qu’au stade du permis de construire. La construction de la cité municipale ne peut pas être évitée mais le permis de construire de Croix du Palais est modifié pour répondre partiellement aux recommandations de l’UNESCO. Tous les autres projets de restructuration du quartier sont abandonnés. Cette demi-victoire de Sauvegarder Mériadeck marque le début d’une prise de conscience par les édiles de l’intérêt architectural de ce quartier.
En Juillet 2012, les valeurs architecturales de Mériadeck sont définies et listées dans le rapport de l’UNESCO qui recommande de les protéger. Ce rapport qui est adressé à la Ville doit être considéré comme une menace à peine voilée de déclassement de Bordeaux par l’UNESCO. Ceci intervient après la mise de Bordeaux sous le « mécanisme de suivi renforcé » en 2009, en raison de la destruction du pont tournant du Perthuis des Bassins à Flots et du projet de pont levant (pont Chaban-Delmas). Cette menace de déclassement qui est utilisée par l’UNESCO « quand la valeur universelle exceptionnelle du bien est menacée », sera levée en 2010 suite à deux engagements de la Ville : d’une part, réduire la hauteur des piles du pont de 10 mètres et d’autre part, envoyer à l’UNESCO un plan de travail sur Mériadeck visant à protéger le bien universel.
En 2014, la Caisse (ex-caisse d’épargne) signée Edmond Lay est inscrite à l’inventaire des monuments historiques, pour la qualité de son architecture, intérieure et extérieure.
En 2016, le nouveau Plan Local d’Urbanisme entre en vigueur ; à Mériadeck, il établit une liste d’obligations et classe en bâtiments remarquables un ensemble de constructions particulièrement représentatives de l’architecture des années 70.
L’îlot 10 sur lequel était construit l’immeuble Croix du Mail est retiré du périmètre du quartier Mériadeck. La cité municipale ne fait partie du quartier Mériadeck.
Depuis ce moment, le quartier commence à revivre : le parc est nettoyé, mieux entretenu. L’association continue de travailler auprès des administrations locales, Ville, Métropole, Département et Région pour que le quartier soit d’abord traité de façon équitable avec les autres quartiers de l’hyper-centre de Bordeaux et ensuite reconnu pour ses valeurs architecturales. Les élus successifs continuent de penser qu’il faut créer des animations sur le parc central pour amener plus de Bordelais à le fréquenter. L’association ne partage pas cet avis et continue de penser qu’il faut augmenter les points d’accès à la dalle, ce qui était prévu à la construction, et redonner à l’ensemble sa qualité paysagère. Le principe est de donner envie aux promeneurs de « monter » sur l’esplanade.
Elle obtient une première satisfaction avec l’agrandissement de l’ouverture rue Claude Bonnier par l’ajout d’un grand escalier qui fait découvrir aux bordelais l’espace vert qui leur était dissimulé jusqu’alors, une petite consolation après la destruction de la Croix du Mail et du square André Lhote pour laisser place à la cité municipale.
La composition architecturale et végétale de l’ensemble doit être restaurée et des projets sont régulièrement soumis par l’association aux élus. Le travail est long et souvent incompris mais la ténacité des résidents a déjà porté ses fruits et Mériadeck commence à attirer des touristes étrangers et des promeneurs.
En 2017, les services parcs et jardins commencent le débroussaillage des zones plantées. Les massifs autour de la résidence du Centre sont nettoyés et les plantations de camélias remises en valeur.
Les arbustes envahissants sur l’esplanade Charles de Gaulle sont arrachés, redonnant de la lumière à cet espace et dégageant les perspectives paysagères.
En 2018, l’association travaille à replacer la Ville et la Métropole devant leurs responsabilités au niveau de l’entretien des parties dallées. La convention établie en 1968 entre la Ville et la Métropole définissait le rôle de chacun et, bien que toujours en vigueur, n’est plus respectée et le nouveau projet de convention rédigé en 1993 n’a pas abouti.
Depuis cette date, les administrations, propriétaires des espaces délimités dans le plan cadastral, considèrent, à tort, avoir le droit de s’approprier les surfaces des sols dallés et les aménagent en fonction de leurs besoins. Cette pratique n’est pas autorisée et, selon le règlement architectural de Mériadeck toujours d’actualité, seule la Ville doit assurer l’entretien des surfaces de façon à maintenir l’homogénéité des aménagements.
Le secrétaire général de la Métropole, après avoir reçu les rapports de ses services juridiques, se rapproche de l’association en septembre 2019 pour le lui confirmer.
En 2019, le grand bassin devant la Préfecture est restauré et remis en eau. Il était vide depuis 3 ans et la Métropole avait décidé d’en faire une pelouse, comme les deux premiers bassins. Devant le refus de l’association Sauvegarder Mériadeck et la détermination de l’ensemble des résidents, le bassin est refait et l’esplanade retrouve un premier plan d’eau.
Les deux autres bassins devant la Croix de Lorraine ont été vidés en 1993 et remplis de terre en vue d’en faire une pelouse. Le plus grand sert aujourd’hui aux chiens du quartier et ne reçoit plus aucun entretien. L’association en demande la restauration.
L’association, par l’intermédiaire d’un de ses membres propose à la Ville dans le cadre du budget participatif la remise en état et l’animation de la petite terrasse Koënig par une fresque. Cette création vient en complément des fresques que le Département a fait peindre sur le bâtiment Solidarité, sur la grande terrasse.
En Janvier 2020, la fresque est inaugurée et l’espace aménagé pour les skaters.